Papa, reviens
Maria est une petite fille. Son papa vient de mourir. Orpheline, elle rentre, seule, dans sa grande maison vide. Ou presque. Un gros chat l’y attend. Il s’installe et prend ses aises, indifférent, jusqu’à ce qu’il réclame à manger. Maria le sert. Elle ne s’étonne pas que le chat parle. En revanche, elle s’étonne de la proposition qu’il fait : aller au pays des morts et revoir son père ! Maria n’hésite pas et se rend à la gare d’où partent les trains pour le royaume des mort. Au passage, elle croise Jacques, un brochet, qui lui conseille de ne pas écouter le chat. Comme dans tous les bonnes histoires, Marie ne suit pas les conseils.
Conradin Wahl s’est fait remarquer par une série de bandes dessinées sans paroles, publiées par le festival Fumetto à Lucerne (Mr. Ape, Zwei, Wild Man, Neighbors). Papa, reviens est son premier récit avec du texte. Son univers oscille entre réalisme magique et absurdité du quotidien ; il met en scène des personnages triviaux ou confrontés à des événements qui les dépassent, mais qu’ils parviennent à traverser tant bien que mal. Papa, reviens est un conte noir en bande dessinée. Derrière la légèreté de la forme, le sujet, comme son traitement, sont tragiques. Le voyage au pays des morts est empreint d’une atmosphère pesante, presque effrayante dans la banalité de sa représentation en une banlieue mitoyenne, froide et proprette. L’aventure de Maria serait ainsi celle du désenchantement s’il n’y avait pas la figure positive du sauveur, représenté par Jacques, un vieux brochet. Le trait simple et efficace de l’auteur, faussement naïf, fonctionne à merveille pour servir le propos. L’identification à l’héroïne s’effectue progressivement à la lecture du récit, celle-ci devenant progressivement une figure active, résistante et résiliente face au deuil. La narration est lente, faussement hésitante, ponctuée de répliques triviales qui se répètent ; elle ajoute une touche réaliste en contrepoint qui rend la lecture de cette bande dessinée marquante. Il y a dans la narration de l’auteur quelque chose de Dürrenmatt, cette idée, d’auteur-dieu omniscient, d’inventer des personnages et créer des situations puis observer ce qui se passe. Dans Papa, reviens, il y aussi du Miyazaki dans la manière de raconter les tribulations douces et amères de l’héroïne, son courage.
Mars 2024
148 pages
17 × 24 cm
ISBN : 978−2−940700−46−2
24 CHF / 18 €