Les chevaux sauveurs
Dix récits contemporains au cœur du monde et pourtant à l’écart. Leur héros ou leur héroïne marche généralement, parfois prend l’avion, un téléphérique ou un vélo, fait le tour du monde, Afrique Asie, ou simplement une vallée des Alpes, toujours dans l’immensité et le vide.
Et si le premier récit est une histoire de trop plein, contrepoint du recueil, c’est une accumulation parodique, muséologique, symbolique qui veut conférer un sens à ce qui dans la société de consommation et d’entassement n’en a plus. D’ailleurs son héroïne finit par s’envoler vers l’est en réinsufflant la vie aux objets collectionnés.
Le dernier boucle la boucle en donnant la parole à un outil ancien, universel, qui sert à creuser les pirogues ou les fontaines dans un tronc, l’herminette, qui va faire surgir par sa magie, du fond du musée, une rétrospective lyrique de l’histoire de l’homo sapiens, de ses rapports avec l’univers, de ses dépendances à l’outil, à la nature, à l’ivresse, à tout et à rien.
Entre deux, les huit autres récits illustrent le temps de rêver, d’imaginer et la longue marche lente dans un monde de vitesse dont on n’oublie pas l’horreur, réenchanté par le regard du personnage.
Une sacoche perdue, presque rien, qui permet au héros de découvrir qui il est. L’idiot du village se révèle sage-femme improvisée et chamane dans une benne de téléphérique. Ayant perdu leurs pères, deux amis fondent l’église de l’absence, ce que la xyloglossie nomme secte. Un errant rencontre son étrange destin au cœur d’un village africain, alors qu’un autre, métis, envoyé étudier en Suisse retourne au cœur de l’Afrique pratiquer une médecine parallèle. Ces va-et-vient dans ce monde globalisé n’empêchent pas un héros de découvrir dans son corps malade les signes de son appartenance au règne des bactéries et des champignons. Une traversée insolite découvre l’irremplissable vide de Lausanne et des urbanisations. On voit le monde à l’envers (ou à l’endroit ?) et l’action bizarre, imprévisible et improbable des petits chevaux noirs du pays d’Enhaut.
Lador nous donne ici dix récits non dépourvus d’ironie, d’humour et de poésie. La musique de la phrase, la jubilation verbale laissent transparaître une sorte de détachement du bruit et de la fureur ordinaires. Un recueil qui éclaire l’obscur comme l’obscure clarté qui tombe des étoiles, étoiles souvent évoquées par un auteur qui se sait leur enfant perdu.
Avril 2015
200 pages
14.5 x 18.5 cm
ISBN : 978−2−940522−26−2
28 CHF / 22 €
Sitographie
Auteurs
Pierre Yves Lador (Auteur)
La première vie de Lador, enfançon, se déroula à la campagne durant la guerre. La seconde, celle de la scolarisation, à Lausanne. La troisième, professionnelle, à la bibliothèque de la même ville. Et la quatrième, libérée, à la montagne consacrée à la marche et à l’écriture. Toutes ces vies sous le signe de la quête du sens à travers les symboles cueillis dans les images des artistes des trente derniers millénaires, les textes des trois derniers millénaires, les marches dans les paysages forgés durant les cinq derniers milliards d’années et leurs habitants, morts ou vifs.
Il tente depuis toujours de restituer les trajectoires de ses visions, réminiscences, inventions dans des livres dictés par ses bactéries, ses petites cellules grises et les courants de l’espace pour que d’autres puissent les savourer. Il mêle fiction, digressions, imaginaire et réel dans ses livres.
Gémeaux ascendant taureau, exilé de l’intérieur, conservateur révolté, rebelle consensuel, résistant, acceptant que le mal gît dans le bien comme le bien dans le mal (illustré par le taiji), que la rose fleurit sur le fumier et le lézard vert dort sous un tas de vieux branchages, il pratique le paradoxe et l’oxymore, l’humour, l’ironie, la satire et même la litote. Rêveur, chercheur, fasciné par les formes, leurs métamorphoses, les états transitoires, les ondes, l’impermanence et la transmission, il tente de fixer des moments des mouvements dans son écriture. Et dans ses essais plus que pamphlets, il dénonce les abus de pouvoir omniprésents tout en reconnaissant une part de bonne intention et de vérité dans ceux qui les pratiquent.
Sa fidélité à cinq éditeurs lui permit de publier plus de 30 livres et de collaborer parfois avec des illustrateurs. Il aime parler ou écrire sur ses livres ou sur ceux de ses auteurs préférés.